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L'Aïr ou Ayar correspond au massif montagneux, mais on dénomme ainsi plus communément les montagnes et sa zone d'épanchement des eaux des pluies, l'Ighazer. Ainsi le Sultanat de l'Ayar s'étend sur ces deux entités géographiques fort distinctes. Historiquement l'Ighazer est le lieu de passage des grandes caravanes qui courent l'Egypte, en faisant un centre économique important dès le VIè siècle, avec le royaume de Maranda puis celui de Tigidda. Les migrations Touarègues, jusque là venus de l'ouest, vont désormais venir de l'est ou du nord est et recentrer le pouvoir politique et économique sur la zone montagneuse avec la création du Sultanat.
Naissance du Sultanat
Dès le XIè XIIè siècle les Issandalan venus de l'ouest s'installent dans l'Aîr au Nord des Monts Bagzan. Deux confédérations principales les composent, les Imikkitan et les Itesseyan. Durant les deux siècles successifs les confédérations et même les tribus sont plutôt autonomes sans autres pouvoirs que les "Vieux". Les dissentions sont monaie courante et une certaine anarchie flotte sur les montagnes. C'est ainsi qu'au début du XVè siécle (1405), 4 tribus importantes des Issandalan vont se mettre en quête d'un sultan unique, chargé de régler les conflits. Ce sont les Illisawan, Imiskikan, Iberkoreyan, et les Inussufan détenteurs du royaume de Tigidda, dont l'insécurité en Aïr ne sécurise pas leurs affaires.
La tradtion orale et même officielle fait partir une délégation vers Istambul ou l'Emir leur donna un de ses fils, qui a pour mère une femme captive du roi d'Istambul, pour régner sur leur pays. Cette légende est mise à mal car à cette époque Istambul est encore chrétienne et non musulmane. Pourtant les manuscrits du sultanat sont très clairs sur l'origine du Sultan, il est issu des Kel Sattafan, tribu de l'Ifoghas, qui nomadise dans une vallée près de la cité la plus importante de la région Tademekka. Cette tribu pouvait appartenir au Kel es Suk ce qui en ferait des Isheriffen, dont le premier, Yunus, fut amené à Tadeliza, première résidence des sultans de l'Ayar. Le Sultan Yunus arriva avec ses tribus qui s'installèrent avec lui, ces tribus et sa famille étant porteuse de la succesion matrilinénaire du trône. Cette installation ne fut sans doute pas simple, et après quelques soubressauts et autres rivalités entre Issandalan, le Sultan Alisau (Illisawan) s'installa à Agadez vers 1450, d'abord près du puits de Tan Shaman puis dans le palais construit par les 4 tribus.
La domination Songhay
Si le XVè siècle marque les débuts difficiles du Sultanat et de son autorité sur la région Touareg de l'Aïr, le XVIè siècle va amorcer, sous l'impulsion du développement commercial, le rayonnement de la ville d'Agadez et du Sultanat. Seule encore Tigidda fait de l'ombre à la capitale de l'Aïr, mais les gisements de cuivre s'épuisant, la ville péréclite doucement, à l'instar de sa soeur de l'Ifoghas, déjà conquise et détruite par le Songhay Soni Ali Ber à la fin du XVè siècle. Les insoumis Inussufan de l'Ighazer vont en payer le prix fort, dans une énième bataille sans doute très sanglante, qui voit la destruction de la ville au début du XVIè siècle.
Ce siècle est aussi celui qui fait entrer l'Islam dans l'Aïr. Tigidda était déjà réputée au XVè siècle, pour ses lettrés et marabouts de renom, et une opposition de "style" entretien aussi la rivalité entre Inussufan et Touareg des montagnes. Tigidda prônant un islam strict notamment avec Al Maghali, alors que les montagnes de l'Aïr souhaitent à l'évidence préserver leur indépendance, pas seulement territoriale mais aussi spirituelle, et nombre de concession à un Islam strict sont faites, comme de nos jours. La destruction de Tigidda va entraîner une dispersion en Ighazer des populations sédentaires de la capitale défunte. De petits établissements urbains vont ainsi se créer dans la plaine : Teggida n'Adrar, Teggida n'Tagait, Anassafar, Taboraq, Shin Wasaghan, etc. Si ces lieux étaient sans doute occupés ou du moins utilisés avant, l'avènement du Sultanat de l'Aïr va leur donner une autre ora. Ils vont devenir des petits centre religieux servant également de réserve alimentaire, la banque alimentaire médiévale. En effet, dans chacun de ces établissements l'archéologue y trouve une mosquée qui paraît être le lieu central de toutes les activités, et autour un ensemble plus ou moins disparate de petite habitation qui sont surtout des greniers servant de réserve aux populations nomades.
A la fin du XVè siècle en 1497, Askia Mohamed effectue son pélerinage à la Mecque pour devenir le Khalife du Soudan. En passant par l'Ighazer et sûrement par Tiggida qui payée son tribut à l'empereur Songhay, les informations de la montée en puissance des murailles d'Agadez et de son Sultan lui ont sûrement étaient rapportées. Lors de ses conquêtes Askia Mohamed viendra pas deux fois à Agadez vraisemblablement pour la soumettre, en 1500 d'abord ou les "négociations" ne durent pas traîner car il resta fort peu longtemps a Tildza qui doit être Tadeliza, première résidence du Sultan de l'Ayar. Mais en 1515, il séjournera avec son armée aux abords de la capitale de l'Aïr près de 1 an, pour la soumettre et lui voir se verser un tribut très important de 150 000 ducats. On sait également que l'Askia faisait constuire nombre de ville et de mosquée, et il n'est pas impossible que ce fut une année de construction de la ville dont Jean Léon l'Africain nous fait la description en 1513.
Cette deuxième incursion est sans doute la suite de la destruction de Tiggida, le pouvoir de la région passant de fait sous la domination du Sultan d'Agadez moins en clin à obéir à l'Askias. Même sous domination de la boucle du Niger, elle est comme beaucoup de cité plutôt autonome et ne s'acquitte que d'un tribut et d'échange de cadeaux comme bon voisinage jusqu'à la fin du règne des Askias en 1591.
A la fin du XVIé siècle, Agadez est donc le carrefour commercial entre le nord et le sud mais aussi entre l'ouest et l'est. Débarrassée de sa rivale Tigidda, son indépendance ne sera plus remise en cause en Aïr et Ighazer que par la colonisation du XXè siècle. Preuve d'une stabilité politique enfin trouvée, le règne de 40 ans de Muhammad Al'Aqib à la fin de XVIè siècle.
Approfondissement de l'islamisation
Le XVIIè siècle verra la mise en place de la patrilinéarité dans la succession des Sultans, plus en phase avec l'Islam, mais pas forcèment avec tous les Touareg, Iteseyan et surtout Ibarkoreyan se révoltèrent contre le Sultan. Ceux-ci furent néanmoins chassés dans l'Azawagh jusque vers In Tuduq, avec à leur tête Hadahada qui laisse une trace à Ingall autour de puits qui portent son nom. Les Temisgidda, sous l'impulsion des Ouelleminden et des Kel Fadey, quittèrent aussi l'Ighazer vers le Damergu. La fin du siècle et le règne de Al Mubarek verront des tentatives expansionnistes du Sultanat, qui arrive à mobiliser dans son sillage tous les Touareg Kel Ayar, une première depuis sa création, le sultanat rayonnant désormais aussi sur l'Ader à la fin du XVIIè.
Le XVIIIè siècle marque une reprise de l'instabilité en Ayar, avec la multiplicité de guerres civiles entre Kel Away et Iteseyan, et les changements de Sultan qui vont avec. Iteseyan, Kel Geres et Imakkitan finiront par être expulsés des montagnes en 1760, vers le Gobir pour les premiers et le Damergu pour les seconds, laissant l'Aïr aux mains des Kel Away, détenteurs de la Taghlamt, la caravane du sel de Bilma vers les pays Hausa. Le pouvoir politique du Sultanat va alors se déplacer vers l'Adar et le pays Hausa. Ainsi à la fin du XVIIIè siècle et au début du XIXè siècle les Sultans, ainsi que leur famille et une grande partie des Agadésiens, vont plus résidés auprès de leurs électeurs Iteseyan en Adar, qu'à Agadez, délaissant les montagnes aux Kel Away et à leur Aménokal l'Ag Adode, l'Ighazer aux mains des Kel Fadey et Kel Ferwan pour la Tadarast. Les peuplements sont ainsi fixés avec les dernières migrations venues de l'Ahaggar, ces derniers cherchant des pâturages qui font défaut dans le Hoggar.
Le XIXè siècle est celui d'une forte islamisation des pays Hausa au sud, avec notamment Usman Dan Fodio qui régnera sur plusieurs royaume (Gobir, Adar, et jusque vers Sokoto), mais aussi avec le Jihad de El Jilani en Azawagh (Iberkoreyan se révoltant face aux Imajaghen) qui balaiera les Kel Geres et Itesseyan en pleine cure salée au sud de Ingall vers 1813. A la chute de Al Jilani ce sont les Timisgidda de Ibra qui dominent la Région jusqu'en 1835. Mais le pouvoir du Sultanat se dissipe, ni le royaume de Sokoto ni même les Kel Ayar ne s'intéresse que de loin à cette décadence de la dynastie des Sultans de l'Ayar, à l'exception des Itesseyan et Kel Geres, électeurs du sultan émigrés depuis la fin du XVIIIè siècle. Le véritable chef de l'Aïr est l'Ag Adodé, Aménokal des Kel Owey qui a bien du mal à régner sur ce territoire, de l'est viennent les rezzous toubous et arabes, de l'ouest les razzias des Kel Fadey et autres Ikaskazan qui sans cesse pillent la Taghlamt. Assodé tout comme Agadez sont quasiment en ruine, les habitants ayant depuis la fin du siècle précédent émigrés au sud.
La dynastie des sultans d'Agadez
Tous les lieux de résidence des Sultans étaient Agadez sauf pour les premiers, Younous à Tadeliza, Agassane à TchinChaman (ou Anissaman ?) et Illissawan à TchinChaman puis Agadez. Même si une liste officielle de la généalogie des sultans de l'Ayar existe, il est fort probable que les aléas de l'histoire aient apporté leur lot d'omission ou d'erratum, volontaires ou non. Ainsi certaines périodes de règne de quelques mois voire jours, ne seront pas relatés dans cette liste. Djibo Hamani en interprète certains éléments dans son ouvrage sur le Sultanat de l'Ayar.
liste recueillie par Ibrahim Alanga en 2014 auprès du chef de village de Ingall - copie conforme à la liste officielle de 2001.
La résidence d'In Gall
Le Sultan d'Agadez dispose d'une résidence à Ingall, ou il vient régulièrement. Dans cette résidence on trouve le Tombeau du défunt Oumarou Ibrahim destitué par les colons en 1919 et remplacé par l'un de ses fils. A la suite de sa destitution ne pouvant habiter le même Palais que son fils à Agadez, cette résidence fut sa dernière demeure. Les villes d'In Gall et de Teggida n'Tessoumt et leurs populations sont directement sous l'autorité su Sultan et ne dépendent d'aucun groupements nomades. Il en nomme les chefs de village.
Références
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Barth H. 1863 – Voyages et découvertes dans l’Afrique septentrionale et centrale, traduit par Paul Ithier, Firmin Didot, Tome premier, 370 p.
Defrémery et Sanguinetti 1858 – Ibn Battuta, Le voyage au Soudan, Société asiatique, 376‑449 p.
Gandah Nabi H. 2011 – Commerçants ultramarins et levantins du Niger (1920-1930), Outre-Mers, tome 98 (372‑373), p. 205‑231.
Hamani D. 1989 – Le Sultanat Touareg de l’Ayar : au carrefour du Soudan et de la Berbérie, L’Harmattan, 513 p.
Léon l’africain J. 1830 – De l’Afrique contenant la description de ce pays : 4 tomes - Traduction de Jean Temporal.
Tardivet R. 1928 – Les sultans de l’Aïr, Bulletin du comité d’études historiques et scientifiques de l’Afrique de l’ouest, (1‑2), p. 689‑694.
Trouillet J.-P. 1910 – L’histoire de l’Aïr et l’occupation française, La dépêche coloniale, (1), p. 1‑12.
Urvoy Y. 1934 – Chroniques d’Agadès, Journal des Africanistes, (4), p. 145‑177.
Le palais du Sultan à In Gall