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    La cure salée

    La cure salée est une grande transhumance des troupeaux des éleveurs nomades du Niger qui a lieu pendant et après l'hivernage (de juillet à décembre). La plaine de l'Ighazer wan Agadez est une zone argileuse qui s'étend depuis les falaises de Tiguidt vers In Abangarit et sur le piémont de l'Aïr. Durant la saison des pluies elle se couvre d'une végétation herbacée temporaire qui attire tous les troupeaux du Niger. Chameaux, vaches, chèvres, moutons et ânes se mettent en route vers ces pâturages.

       pâturage d'hivernageighazer


    Son origine

    En Ighazer les populatons se sédentarisent vers 7 000 av.JC autour de la plaine alors humide et renfermant de grands pâturages, car l'Ighazer coule presque toute l'année. Peu à peu la domestication du boeuf va entraîner de nouveaux besoins en eau et en pâturages, mais aussi de nouveau savoir faire dans la gestion d'un troupeau. Vers 5 500 av.JC, le climat évolue vers des périodes de mousson de plus en plus marquées qui nécessitent de changer d'endroit lorsque la pâture n'est plus suffisante. Vers 2 000 av.JC la plaine est entièrement pacagée. Les soudanais bovidiens, issus de la boucle du Niger, délaissent de plus en plus la plaine et doivent s'adapter en abandonnant la sédentarité vers 1 500 av.JC. C'est aussi une période ou de nouvelles populations sahariennes arrivent dans la plaine, dont le climat correspond aussi beaucoup mieux à leur mode de vie nomade. Sur un millénaire il doit s'établir deux mouvements ; l'un nord-sud des populations sahariennes en saison sèche et l'autre est-ouest des populations soudanaises en hivernage. Ce sont sans doute les premières transhumances imposées par la rudesse du climat, dont l'aridification croissante mettra à jour des sources salées ou natronées, et entraînera la concentration du sel dans les terres de surfaces. Les bienfaits du sel pour les animaux ne sont peut être pas encore connus, eau minéralisée, terres natronnées et herbage riche en protéines, et son commerce ne prendra de l'ampleur qu'avec l'avènement du chameau au début de l'ère chrétienne. 

    Source d'azelikAinsi au fil des siècles, les populations nomades de l'Azawagh, de l'Ader, du Gobir et du Damergou prendront l'habitude de venir en Ighazer faire la cure salée de leurs animaux, auprès de ces sources artésiennes qui ne désempliront pas tant que les pâturages seront abondants, et redescendront ensuite dans le terroir d'attache pour la saison sèche. Cette transhumance coïncident aussi avec la période des cultures céréalières plus au sud, en hivernage les animaux sont exclus des champs alors en pleine production, après la récolte ils reviennent pour fertiliser les sols. 

    Trois points d'eau concentrent les animaux autour de leurs puits, ce sont les trois Teggida (source en Tamachaq) : Teggida n'Tessoumt, Teggida n'Tagait, Teggida n'Adrar (Tessoumt signifie le sel, Tagait est un palmier (Hyphaene tebaica), Adrar étant la montagne.). Dans ces lieux des sources naturelles d'eau saumâtre s'épanchent, une eau minérale qui augmentera la rétention d'eau des animaux. 

    L'hivernage avec ses pâturages et ses mares d'eau ne nécessite pas autant de travail pour abreuver et faire paître les troupeaux, car ces ressources sont disponibles presque partout. Cela va laisser du temps aux échanges sociaux multiples. Avec la grande affluence de populations, la Cure salée va aussi être un grand moment de retrouvailles entre tribus amies. C'est l'occasion de nombreux mariages et de fêtes organisées par les riches nomades pour leur prestige et celui de leur communauté. 

    La transhumance n’est pas sans conséquence sur le couvert végétal d’In Gall. L’arrivée précoce des animaux gêne la croissance de l’herbe qui est aussitôt broutée. L’année où il n’a pas bien plu, l’herbe devient insuffisante, car les animaux du sud broutent une grande partie avant de retourner. Les animaux locaux qui ne partent nul part souffrent de manque d’herbe surtout en saison chaude.


    Vaches au puits de Tegidda n'TessoumtLes moeurs officiels

    A partir de 1976, les autorités politiques du Niger ont mis à profit cette transhumance pour rencontrer tous les éleveurs. Au tout début, le ministre chargé des affaires sahariennes prononce juste le discours d’ouverture à In Gall. Ensuite, avec sa délégation, ils se rendent de campement en campement pour apporter le message des hautes autorités. Ils mettent à profit ses rassemblements pour sensibiliser les populations à travers leurs chefs traditionnels. Ils distribuent aussi du tabac à chiquer, du sucre, du thé aux éleveurs, des vaccinations d'animaux sont aussi au programme.

    Plus récemment les autorités regroupent les éleveurs dans un village environnant d’In Gall, pour organiser les même pratiques. La délégation ministérielle revient à In Gall à la fin pour prononcer le discours de clôture.

    Vaches au puits de Tegidda n'TessoumtActuellement, tout se déroule à In Gall. Un site est aménagé au nord de la ville avec tribune, ombrage et ravitaillement. Depuis 2009 un arc de triomphe signale même ce site. Des cases traditionnelles sont construites afin d’héberger les invités. Plusieurs personnalités étrangères comme locales sont invitées à randonner. La Cure salée devient une fête nationale. Les gens viennent de tout côté pour voir, vendre leurs marchandises. Après les discours officiels, plusieurs manifestations sont organisées au site comme en ville dans la maison des jeunes et de la culture. Entre autre des concours de beauté, des courses de chameaux, des concours de musique, etc.

    Les organisations nationales comme internationales mettent à profit ces instants pour organiser des formations sur le sida, le paludisme et d’autres maladies du siècle. Les sociétés d’économies ne sont pas restées à l’écart, eles profitent de ce rassemblement pour exposer leurs produits ou organiser des séances de sensibilisation.

    La rébellion armée a ralenti cette fête qui n'a pas eu lieu de 2006 à 2009. En 2010 elle a été organisée à partir du 24 septembre. ces dernières années la Cure salée a néanmoins eu un engouement spectaculaire, In Gall grouille du monde ces jours là. Tout cela est agrémenté par Azelik village où se trouvent les chinois. Beaucoup des gens viennent de ce village et reste fêter à In Gall, malgré les hélicoptères et les avions de reconnaissance qui vole à basse altitude au dessus d’In Gall pendant le séjour des officiels.


    aire nomadismeLes transhumances

    Il peut être précisé deux types de transhumance, celles à longue distance et celles liées aux populations locales qui nomadisent sur leur terroir.

    D'abord ce sont les chameliers Ouelleminden de la région Tahoua-Abalak qui investissent les lieux dès la fin juillet par l'ouest. Ils seront aussi les premiers à quitter la zone fin août alors que l'hivernage se termine à peine. Ils laisseront la place aux Kel Gress venus du Damergou par le sud-est, ces derniers ne restant que le temps du mois de septembre. Enfin ce sont les Peulhs Bororo qui mèneront leur troupeau de vaches à longues cornes auprès des sources salées. Ces rythmes d'occupation habituels de la plaine se sont aussi imposés entre des populations, qui de part l'histoire furent souvent en conflit. Ainsi éviter de se rencontrer en période festive, permet de laisser les différents à l'histoire.

    Parmi les populations locales ou riveraines de la plaine, les tribus touarègues installées sur le piémont de l'Aïr  et à l'intérieur de l'Aïr, ne font pas de Cure salée. Les premières, Kel gharous, Ikaskazan, sont quasiement sur place toute l'année et les secondes ont une grande habitude du commerce du sel avec Bilma, qui leur permet d'avoir des animaux rassaziés en sel. De même pour les Igdalen qui occupent toute l'année le coeur même de la plaine.

    En hivernage il y a trois mouvements nord-sud, le premier concerne les arabes Kunta et les touarègues Kel Ahaggar, ces éleveurs qui nomadisent au delà d'In Abangarit et se replient à la belle saison vers Teggida n'Tessoumt. Du Talaq descendent vers Teggida n'Tagait les Kel Tédélé. Le troisième est sud-nord et concerne les Kel Ferwan qui nomadisent dans la Tadress au Sud des falaises de Tiguidit. D'Aderbissinat ils viennent s'installer autour de Tigerwit-Marandet et ne remontent guére dans la plaine.

    Les Kel Fadey occupent toute la plaine de l'Ighazer. Les plus au sud se retouvent vers Assaouas-Tegidda n'Adrar et les plus au nord, montent jusqu'à Guélélé. Ils observent surtout en début de saison des pluies un repli vers Amalawlaw au sud de In Gall zone traditionnelle de rencontre.

    Ainsi chaque saison la plaine augmentera sa population de plus de 10 000 personnes, et plusieurs milliers de chameaux, vaches, chèvres et autres moutons, sans oublier les ânes chargés du transport des habitats nomades, foulleront les argiles millénaires de l'Ighazer.


    Caravane annuelle des Kel Gress pour la cure salée (Renaud 1922)

    Depuis leur arrivée dans la Région de Madaoua (Bouza) vers 1770, les Kel Gress effectuent la cure salée en Ighazer. Dès le mois de juillet et les premières pluies qui apportent l’eau et les pâturages pour la transhumance, par petites étapes, ils rejoignent avec tous leurs troupeaux la ville d’In Gall, porte de l’Ighazer, point où ils se séparent pour rejoindre les 3 Tegidda. Ils s’occuperont alors de nourrir les animaux des pâturages et de l’eau des sources tout deux salés, sans lesquels les animaux et les hommes s’affaibliraient, quand aux femmes mariées la légende dit qu’elles deviendraient stériles si elles ne faisaient pas la transhumance. Ils demeureront 2 mois en Ighazer avant de retourner dans leur contrée, tant que les mares temporaires sur la route n’obligent pas à passer par des puits, dans les mois de septembre à octobre voir novembre les bonnes années. Durant cette période, ils auront pu échanger les produits amenés du sud, textile, miel, mil, beurre, etc. contre le sel de Tegidda et à leur retour dans le sud, ils échangeront de nouveau ce sel contre d’autres produits de nécessité.


    A l'effigie de la cure salée
    Les dernières éditions

     


    Références

    Renaud, Lieutenant. 1922. « Étude sur l’évolution des Kel Gress vers la sédentarisation ».